Lettre à mes enfants.

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Mes amours.

Si je ne vous évoque que si rarement, c'est parce que je veux vous tenir loin de ma vie de Femme.

Si j'en dis si peu sur vous, c'est parce que mon désir de vous protéger est immense.

Si je ne m'adresse à vous qu'avec parcimonie, cela ne dit rien sur l'amour que je vous porte.


Mon cœur de mère, il est immense. Mon amour pour vous, il est infini, inconditionnel, éternel. Malheureusement, ce n'est pas le cas de ma patience...

Je vous ai désirés. Du plus profond de mon âme. Et je sais combien devenir père était important pour le vôtre. Ne doutez jamais du fait que vous avez été des enfants de l'amour. Vous avez été espérés, attendus, et votre arrivée a été un bonheur immense pour moi. Vous porter et vous donner la vie a été l'une des choses les plus puissantes qui m'ait été donné de vivre. Une révolution copernicienne.


Toi, mon fils, qui m'a faite mère, toi cet enfant surprenant, que je comprends si facilement. Nous nous ressemblons beaucoup trop pour que cela soit totalement apaisé entre nous. Toi qui a hérité de mon humour, de mes qualités d'écrivain, de mon goût du beau et bon mot et de mon caractère angoissé. Toi avec qui je parlais planètes, vie après la mort et spiritualité alors que tu n'avais pas 3 ans. Toi qui m'a poussé à montrer les crocs lorsque ta scolarité est devenue un enfer. Toi si beau avec tes yeux bleus, tes éphélides, tes dents du bonheur (ça, ça vient de ton père), ta taille de géant. Toi qui n'a pas eu une enfance ordinaire, tiraillé entre tes questions de grand et ton hypersensibilité. Toi qui comprends tout, très vite, qui cernes les gens avec finesse, qui a des réflexions si sagaces que parfois elles m'arrachent quelques larmes. Toi qui as ce besoin viscéral de protéger ta sœur. Je te dis "ose, prends des risques, maîtrise ta frustration, n'attends pas mon approbation". Combien je t'admire et j'imagine l'homme magnifique que tu peux devenir tant ton potentiel est immense.


Toi, ma fille, ton caractère bien trempé depuis ta naissance. Toi qui as dynamité tout ce que ton frère m'avait appris. Toi, ton besoin de contact immense, depuis toujours. Ces heures, ces mois, ces années, passées contre ma peau. Toi, le petit animal enfoui sous mon aisselle. Toi et ton incommensurable confiance en toi, ta capacité immense à te connecter à ton instinct. Ton regard azur qui me défie lorsque tu as une idée dans la tête. Je t'ai légué le goût de l'autre, la liberté, l'élégance, l'indépendance et ce côté Manon des sources, à courir à moitié nue dans le jardin, à gratter la terre, à explorer, construire, s'échapper. Quand tu as fait ta première fugue, tu n'avais pas un an. Tu as parlé vite, marché encore plus. Je me reconnais dans cette folle envie de vivre, de découvrir, d'être. Tu es belle, vraiment, de cette beauté naturelle alliée à une grâce incroyable. Je te le dis souvent que tu l'es, parce que tu n'as pas à le cacher ni à en avoir honte. J'aime t'offrir l'espace, la confiance, l'indépendance. J'ai confiance en toi. Depuis toujours. En canalisant un peu l'incroyable énergie qui t'habite, tu feras des merveilles, tu soulèveras des montagnes et tout le monde aura envie de te suivre. Crois-moi.


Souvent entre nous, c'est tendu, ce n'est pas simple, parce que les relations que j'ai avec les autres le sont rarement. Je suis désolée de ne pas être la mère stable et posée dont vous auriez besoin. Je suis désolée de parfois raviver vos fragilités. Je suis désolée de me sentir si souvent moyenne avec vous.  A l'image de la mienne, je fais de mon mieux, avec mes propres traumas, mes propres zones d'ombre. J'ai sous-estimé combien c'était dur d'être mère. Encore plus d'enfants neuroatypiques lorsqu'on l'est soi-même. Combien c'était génial, drôle souvent, extrêmement instructif mais aussi épuisant et source intarissable de questionnements. Parfois, le poids de la maternité m'écrase, tant la responsabilité est immense. Est-on vraiment prête à l'endosser un jour ?


Vous êtes et resterez ma priorité absolue. Mais vous n'êtes et ne serez jamais toute ma vie. Ma vie, c'est aussi mon métier qui me passionne, mes ami-e-s, c'est aussi lorsque vous n'êtes pas là. Ces autres parts de moi sont aussi essentielles à mon équilibre. Je ne vous en voudrais pas de prendre votre indépendance parce que ça sera la suite logique des choses. J'essaie de ne pas trop projeter sur vous mes expériences ratées, vous n'avez rien à rattraper. La seule chose qui me guide est votre épanouissement et votre bonheur.

Je vous souhaite une vie merveilleuse, d'oser faire les choix qui vous rendent heureux, d'aller là où votre cœur vous porte, sans vous soucier du regard des autres.

Commentaires

  1. Pwouarf ! C'est magnifique comme texte. Je ne leur souhaite pas spécialement de tomber sur le blog parce qu'on a jamais envie de connaître la vie intime de ses parents, mais ce texte est sublime. Y a de la mise à nu, pas de fausse modestie mievreuse, c'est précis, avec la forme qui ne prend pas sur le fond. Franchement c'est hyper fort. J'espère qu'ils verront ce texte, mais je pense qu'ils ne découvreront pas. Vu le portrait que tu fais de votre relation, ils n'ont sûrement pas eu besoin de ces mots pour comprendre cet amour fou.
    Merci pour ce partage parce que tu m'a cueilli. Je venais essayer de creuser une personnalité aperçu sur Twitter mais je ne m'attendais pas à ça. J'adore. Merci !

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