Lettre à l'enfant que je n'aurai pas.

Jamais je n'aurai cet enfant qui pleure
Un enfant qui ria près de moi
Pourtant je l'invente dans mes rêves
Je le prends la nuit dans mes bras
Il grandira dans le ciel et le froid
Il apprendra les étoiles
Sans moi.

 (Emily Loizeau - Cet enfant)

 

 

Mon tout petit,

 

Tu n'existeras jamais. Tu ne grandiras pas au creux de moi, je ne pourrai jamais contempler ton visage, chercher dans tes traits une ressemblance avec mes deux premiers enfants. Je ne connaîtrai pas ton odeur, tes rires, tes câlins. Je ne connaîtrai plus la joie d'arborer ce ventre rebondi, ces seins débordants, de subir ces hormones fluctuantes et la puissance de mettre au monde un être humain. Cet état de féminité absolu.


Pendant un temps, j'ai cru que tu viendrais.

Avec le père de tes aînés, à la fin de notre relation, nous ne faisons pas vraiment attention à notre contraception et j'étais sincèrement prête à t'accueillir si tu l'avais choisi. Ma fertilité étant ce qu'elle est, tu n'es pas venu. Et honnêtement vu comment les choses ont tourné c'est certainement mieux pour tout le monde.

Puis avec un ou deux hommes après lui, je me suis dit que, peut-être, tu serais là un jour.  Il y a des actes manqués qui parlent, des oublis qui racontent.

Mais tu n'es pas là. Et tu ne le seras jamais. Tu ne seras jamais mon deuxième fils ou ma deuxième fille.


Aujourd'hui, une nouvelle maternité est une page que j'ai définitivement tournée. Même si je m'engageais dans une relation stable et durable (ce qui n'est pas réellement ma recherche du moment quoiqu'il en soit), je n'ai plus l'énergie, plus l'envie, plus la croyance. J'ai déjà suffisamment peur pour mes enfants incarnés, pour leur avenir plus qu'incertain, pour rajouter une vie supplémentaire dans ce bordel.

Devenir mère m'a suffisamment ébranlée pour risquer de mettre en péril le fragile équilibre qui est le mien aujourd'hui. Pour mettre en péril l'équilibre dans la relation avec mes enfants. Je serais bien trop insécure, bien trop éprouvée, bien trop fatiguée, un peu trop âgée, pour t'offrir l'amour et l'attention que tu mérites.

Je sais également que le couple hétérosexuel est déjà le tombeau de la liberté des femmes, mais redevenir mère ne ferait qu'accentuer encore le déséquilibre. Et je ne suis plus capable de sacrifier ce que j'ai réussi à sacrifier par le passé. Ne pas te faire naître est un acte d'amour incommensurable, crois-moi.


Tu m'as accompagnée un temps, comme ton frère et ta sœur avant toi. J'ai senti ta présence pendant de nombreuses années. Il est temps pour toi de vivre, pour de vrai, ailleurs, près d'une femme qui sera capable de t'accueillir, de te donner ce à quoi tu as droit. 

Comme d'autres cicatrices, je garderais en moi ce rêve d'une grande famille unie qui ne sera jamais. Je n'ai pas fait mieux que mes propres parents à ce niveau, je crois.

Mais la vie, c'est ce qui se passe quand tout ce qu'on avait prévu n'a pas eu lieu, n'est-ce pas M. Baer ?




Commentaires

  1. Bonjour ! Nous passons tous par des étapes.... Avancer est l'unique solution dictée par l'évolution de notre psyché et de nos expériences. Ne soyez pas triste

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  2. C’est incroyablement poignant.. et ça résonne particulièrement en moi.. merci, tout simplement merci pour ce partage

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